À la Fondation Maladies Rares, nous croyons fermement que la recherche en Sciences Humaines et Sociales (SHS) joue un rôle essentiel pour améliorer le quotidien des personnes concernées par une maladie rare. C’est justement dans le cadre de notre appel à projets en SHS qu’a vu le jour un projet innovant, porté par le Professeur Pascal Antoine, dédié à l’étude de trois maladies génétiques rares, dont le syndrome Nail-Patella.
Parmi les retombées les plus marquantes de ce projet : le témoignage de Marc Thiellet, président de l’Association du syndrome Nail-Patella et lui-même directement concerné par la maladie. Dans un récit aussi personnel qu’éclairant, il nous partage combien cette étude qualitative, publiée en 2019, a changé la donne pour l’association, pour les familles, et surtout pour les patients.
Grâce à cette recherche, l’Association a pu :
- Identifier des dynamiques psychologiques propres au syndrome,
- Faciliter le diagnostic et améliorer l’accès aux soins,
- Aider les proches à mieux comprendre les comportements liés à la maladie,
- Et contribuer à l’évolution des recommandations nationales (PNDS, 2020).
Mais surtout, cette étude a permis une véritable transformation sur le terrain : renforcement de l’écoute et du soutien par téléphone, adaptation des messages face au déni souvent présent chez les patients, valorisation d’une image positive de la maladie via les réseaux sociaux…
C’est toute la puissance de la recherche en SHS : rendre visibles des réalités invisibles, et agir concrètement pour améliorer le vécu des patients et de leur entourage.
Un grand merci à Marc Thiellet pour ce témoignage inspirant, et à toutes celles et ceux qui œuvrent à faire avancer une recherche centrée sur l’humain.
« Je me présente : Marc Thiellet, Président de l’Association du syndrome Nail-Patella, atteint comme l’un de mes enfants de ce syndrome.
m Marc Thiellet, Président de l’Association du syndrome Nail-Patella
L’association du syndrome Nail-Patella a vu le jour en juin 2017, elle est née de la rencontre de plusieurs personnes atteintes par le syndrome Nail-Patella et ayant toutes au moins un enfant atteint par la maladie. Le constat était alors le suivant : une maladie peu/mal décrite pour laquelle il existait peu de supports disponibles en français, des personnes atteintes mal informées sur le syndrome, parfois pas officiellement diagnostiquées et peu suivies sur le plan médical.
L’année précédant la création de l’association, Madame Laura Geerts présentait au collège de France « Syndrome Nail-Patella : le vécu des patients face au syndrome génétique », une partie du premier projet de recherche en Sciences Humaines et Sociales financée par la Fondation Maladie Rares. Ce projet porté par le Professeur Pascal Antoine était intitulé « Impact of three rare genetic diseases: comparative and exploratory psychosocial research ».
Il a donné lieu à la publication d’un article en juin 2019 intitulé « Difficulties adapting to nail-patella syndrome : a qualitative study of patients’ perspectives » dans le Journal of Genetic Counseling.
Les résultats de l’étude nous ont permis de gagner un temps précieux en expliquant certains traits psychologiques caractéristiques des personnes atteintes du syndrome qui sont au premier abord déroutants, par exemple :
– elles énoncent souvent un impact mineur du syndrome dans leur vie mais dans le même temps une énorme crainte de transmettre le syndrome à leurs enfants,
– elles nous contactent face à une situation de santé très dégradée évoquant le fait que les médecins ne connaissent pas le syndrome mais ont une difficulté à construire et maintenir dans le temps une prise en charge (soins comme dépistage annuel rein/glaucome préconisés),
– elles viennent parfois de très grandes familles atteintes du syndrome sur plusieurs générations mais aucune d’entre elles n’a consulté de généticien et le diagnostic n’a pas été officiellement posé…
Elles nous ont également permis de mieux éclairer des situations spécifiques, par exemple celle d’un père qui a omis de mentionner le syndrome dont il était atteint à sa compagne jusqu’à ce que le diagnostic soit posé sur l’un de ses enfants.
Cette connaissance a permis à l’association de se développer, notamment en privilégiant le contact par téléphone afin d’être au plus près en termes de conseils de ce que chacun est capable de faire compte tenu de son niveau de déni/de sa situation de santé/de son entourage familial. Nous intégrons également la dimension de déni dans les discussions que nous avons avec les proches des personnes atteintes du syndrome Nail-Patella afin de leur donner des repères dans la compréhension de la psychologie de leur proche malade. Enfin nous avons multiplié les photos des différentes malformations et en particulier de la malformation du pouce caractéristique du syndrome dans une communication que nous souhaitons positive sur les réseaux sociaux (facebook, instagram et tik tok) pour informer sur la maladie et normaliser autant que faire se peut ces signes caractéristiques.
Les résultats de cette étude ont également permis d’intégrer au PNDS (Protocole National de Diagnostic et des Soins) publié en 2020 des préconisations en lien avec le suivi psychologique et l’intérêt d’ETP centrée sur le regard de l’autre.
En 2021 nous avons eu la chance de recevoir lors d’un évènement en ligne organisé par l’association « Les rendez-vous de l’asso » le Professeur Carole Fantini-Hauwel, professeur de psychopathologie à l’Université Libre de Bruxelles et Madame Laura Geerts, psychologue qui ont présenté les résultats du projet de recherche aux personnes atteintes du syndrome. Elles ont accepté que leur intervention soit enregistrée ce qui permet de la visionner sur la chaîne Youtube de l’Association. Au cours de leur intervention elles ont imaginé ce qui pouvait être mis en place concrètement pour aider les adultes et les enfants atteints du syndrome Nail-Patella.
Si l’étude en Sciences Humaines et Sociales nous a permis d’aider au mieux les personnes atteintes du syndrome Nail-Patella et leurs proches, nous espérons que l’Association aura contribué à aider ces personnes à mieux accepter leur maladie. On peut le penser au moins pour certains, en témoignent les retours reçus régulièrement et le fait que certains sont parvenus à témoigner à visage découvert de leur vécu dans un petit film documentaire tourné lors d’un week-end organisé en 2023 (https://www.youtube.com/watch?v=jWlpR9epar8).
Merci encore à la Fondation Maladies Rares d’avoir soutenu cette recherche précieuse pour les personnes concernées. »
